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Relation à ma mère et à ses fantômes familiaux

10 Nov 2025 | Article

Enfant je me débattais avec mes casseroles traumatiques, tentant de tenir en équilibre. Un équilibre précaire où je donnais le change en société et en famille. Mais j’étais ébranlée dans l’intimité de ma chambre d’enfant et d’adolescente. 

Jeune adulte, rebelle, révoltée, j’ai été fortement invitée par la personne qui partageais ma vie à consulter. L’ultimatum était posé. Mes démons prenaient le contrôle de ma vie. J’ai alors poussé la porte d’une psychanalyste. A un peu plus de 30 ans, il était temps de me regarder en face et de vivre ma vie plutôt que d’en être spectatrice. J’ai choisi de faire une analyse avec cette femme durant 5 ans. Trois fois par semaine je visitais mon histoire familiale, avant ma naissance et durant mon enfance, pour en comprendre l’impact dans ma vie.

Enfant je savais que ma mère portait un secret et pourtant elle n’en a jamais parlé. Adulte quand elle a raconté son histoire, avant notre naissance, à mon frère et à moi, j’étais choquée par la violence de ce qu’elle révélait et en même temps je n’étais pas surprise. Je l’avais toujours su ! Cela transpirait dans son langage non verbal, dans son repli, son isolement, ses peurs devant un film télévisé d’une soirée comme une autre. C’est ce que dit d’ailleurs Bruno CLAVIER dans son livre « Les fantômes familiaux » : « Les enfants savent inconsciemment la vérité sur les histoires des grandes personnes ». J’avais une mère présente au sein de la famille mais psychiquement absente la plupart du temps. Plus tard, j’ai compris qu’elle était prise dans ses traumatismes et ses fantômes familiaux, dont elle n’a jamais pu se défaire et dont elle n’a jamais véritablement parlé. Je suis devenue la thérapeute de ma mère. A ce sujet, Bruno CLAVIER se demande dans « Les fantômes familiaux » comment cette perversion du lien se met-elle en place ? « Dans la genèse d’un fantôme familial, le mécanisme est à peu près toujours le même : après un traumatisme insurmontable, un parent devient incapable de transmettre normalement de l’amour à son enfant. L’attention, la prise en compte et le respect de l’enfant dans son existence et dans son devenir, ce que j’appelle ici « l’amour », ne peuvent plus être prodigués par celui qui à la charge de s’occuper de lui. Pour s’assurer alors son affection, l’enfant va tenter de redonner à son parent ce qui lui a manqué, point de départ d’une inversion du courant d’amour dans le lien. Au lieu que l’attention du parent se porte sur l’enfant, c’est l’enfant qui tente de guérir celui-ci de sa peine. » C’est ce que nommait Françoise DOLTO quand elle mentionnait « que la sécurité de base fait défaut à l’enfant quand le trauma du parent n’a pas pu être surmonté ou bien aussi quand celui-ci n’a pas eu assez d’amour dans son enfance pour pouvoir le donner à son tour. 

Ainsi l’enfant s’évertue alors à donner ce qui a manqué à son parent pour ne pas être lui-même « lâché », laissé sans attention ni soin, ce qui est impensable pour un petit être si dépendant des adultes. »

Ma mère a fait cela avec ses parents et moi avec elle. Elle était aussi traumatisée, malaimée de sa mère et abandonnée par son père. Je suis en paix aujourd’hui avec mon histoire et avec son histoire, mais adolescente et jeune adulte j’ai souvent été en colère après elle. J’étais aimée pour ce que je lui donnais mais aussi désaimée lorsque je n’étais pas celle attendue. Son amour inconditionnel me manquait. Elle n’avait pas appris à aimer. Aujourd’hui je lui ai pardonné. 

Adolescente, je me suis reposée sur mon père pour me sécuriser et je suis allée chercher auprès de mes enseignantes un amour « maternel » ou « maternant », je ne sais comment le dire ! L’une d’elle est devenue essentielle à ma vie jusqu’à aujourd’hui ! Mon milieu social était bien éloigné du sien. Je ne le savais pas à l’époque. Elle a toujours été là c’est tout ce que je sais ! Elle m’a dit un jour et je le reconnais aujourd’hui que « Ce n’était pas gagné ». J’avais bien peu en ma faveur pour présager que j’aurais été un jour Psychologue comme j’en avais rêvé ! Le chemin a été long !

Je reviens à mon sujet. Dans un de mes échanges quelqu’un m’a dit « Je suis impatient de lire ton texte sur la relation à la mère, la mienne m’a transmis l’envie de lire, la musique classique et une certaine forme d’exigence de soi-même ». Spontanément je lui ai répondu « Je vois que tu as gardé de cette relation des choses importantes pour toi aujourd’hui, moi la relation a été plus complexe. » En fait, j’ai réalisé que j’avais eu du mal à prendre ce que ma mère pouvait me transmettre et que j’avais construit une barrière entre elle et moi au fil des années, pour ne pas souffrir plus que je ne souffrais déjà de cette relation. J’avais peur, en plus de souffrir de la nature de notre lien, de devenir comme elle dépressive. J’ai longtemps été attentive aux années qui passaient, me rapprochant un peu plus de l’âge de la dépression de ma mère et de son internement. Et puis je suis allée en analyse et n’ai jamais fait de dépression.

Si vous avez des doutes, si intuitivement vous éprouvez le besoin de chercher des réponses en lien avec votre histoire familiale la psycho généalogie et l’analyse transgénérationnelle peuvent vous aider. L’analyse et la psycho généalogie m’ont aidée à devenir la femme que je suis aujourd’hui et dont je suis fière.  Et comme Bruno CLAVIER j’ai repris mes études et suis devenue psychologue. Le métier dont je rêvais.

Je sais que ma mère a fait de son mieux. Elle est décédée le 1er janvier 2024 et je la porte en moi chaque jour.

Merci à Madame Nadine AMAR, Psychanalyste, décédée le 14 janvier 2014.
Merci à ma mère Micheline MEYER, décédée le 1er janvier 2024, d’avoir fait de son mieux.
Merci à Nicole Rachel B. d’avoir toujours été là dans ma vie.
Merci à Catherine W. de m’avoir ouvert les yeux.
Merci à Dalila MZ. de m’encourager chaque jour.

Bibliographie

Les Fantômes familiaux : psychanalyse transgénérationnelle

Bruno CLAVIER, Edition petite biblio Payot, Essais.

Aïe mes aïeux !

Anne ANCELIN SCÜTZENBERGER, Edition Desclée de Brouwer.

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